Les « trois écologies » par Félix Guattari

Depuis la création du collectif de transition citoyenne « Le GCO » en septembre 2014 de nombreux groupes se sont créés : Groupe économie, éducation, énergies, santé et bien-être. Ces différents ateliers réunissent différents habitants du Périgord Vert afin de définir ensemble leurs avenirs et les solutions qu’ils souhaitent mettre en place. Ils se rencontrent régulièrement pour co-construire des alternatives et proposer des outils permettant de réfléchir collectivement et de mettre en pratique de nouvelles formes d’économie, d’éducation, de santé, …

Je souhaite ainsi partager avec vous un livre de Félix Guattari « Les trois écologies » car je trouve que sa lecture peut nous éclairer et nous soutenir sur ce que nous sommes entrain de vivre et de construire au sein du « GCO », c’est à dire une réappropriation de notre environnement et du « vivre ensemble »au niveau local.

Le progrès par Titom

Illustration de Titom, mise à disposition selon la licence « Creative Commons by-nc-nd 2.0 be

Félix Guattari, un des fidèles compagnons de Jean Oury à la Borde a écrit un livre intitulé « Les trois écologies ». Dans cet ouvrage, il nous fait part de son indignation face à la perte de rapport à la subjectivité chez l’individu. En effet, selon lui l’individu est entouré d’un environnement hostile à toute subjectivité : les rapports économiques dominants, les masses médiatiques, la publicité, les sondages manipulent l’individu et la société vers l’uniformisation des comportements, par exemple par le conformisme des modes dont l’aboutissant est la production d’une subjectivité collective dominante. Selon lui, cet environnement technico-scientiste et médiatique diffusant une subjectivité capitaliste collective contamine la subjectivité inconsciente de l’individu, détériore sa dimension psychique et sociale par le chômage, la marginalité oppressive, la solitude, la névrose, le suicide, etc.

Félix Guattari dit qu’il faut faire émerger une nouvelle subjectivité en créant de nouveaux espaces alternatifs et créatifs, « il s’agit, à chaque fois, de se pencher sur ce que pourraient être des dispositifs de production de subjectivité allant dans le sens d’une re-singularisation individuelle et/ou collective, plutôt que dans celui d’un usinage mass-médiatique synonyme de détresse et de désespoir». Selon cet auteur, pour comprendre et répondre à ce problème de subjectivité humaine, il faut prendre en compte l’articulation entre trois registres écologiques : l’environnement, les rapports sociaux et la subjectivité humaine. Il nomme cette articulation l’écosophie. En premier lieu, l’écologie sociale doit modifier et réinventer les façons d’être en groupe par la création de nouvelles pratiques d’expérimentations aux niveaux microsociaux. Pour atteindre cet objectif l’auteur explique dans ce livre que l’homme devra faire preuve de créativité pour trouver le palliatif aux valeurs de la normalisation subjective mondiale. En effet, l’écologie sociale actuelle est laissée exclusivement aux multinationales qui ont soutenu la prolifération du travail des enfants, la disparition des espèces et des gestes de solidarité humaine dans le but d’anéantir les luttes d’émancipation des nouveaux prolétaires (chômeurs, exclus, immigrés, etc.).

Ensuite, l’écologie mentale doit concentrer son action « à réinventer le rapport du sujet au corps, au fantasme, au temps qui passe, aux mystères de la vie et de la mort ». Il est primordial que cette transformation se fasse par une production singulière d’existence au sein de la vie quotidienne individuelle, domestique, conjugale, etc. Ainsi selon l’auteur il faut permettre une « re-singularisation » de l’individu pour favoriser l’émergence de nouvelles subjectivités individuelles et collectives, éléments indispensables à la création de nouvelles cultures et à d’autres formes de citoyenneté. Enfin Félix Guattari explique qu’«  on devra considérer les symptômes et les incidents hors normes comme des indices d’un travail potentiel de subjectivations ». Au niveau de l’écologie environnementale, l’environnement peut être le précurseur d’une écologie généralisée ayant pour objectif « de décentrer radicalement les luttes sociales et la façon d’assumer sa propre psyché ». En effet, pour Guattari la reconstruction des rapports sociaux et de la « psyché » ne pourra se réaliser sans une réinvention de l’environnement et sans une transformation des rapports de l’individu avec celui-ci. Par exemple cette mutation peut se réaliser par une « re-singularisation » des écoles, des mairies, des institutions, de l’économie, etc. Enfin, ces trois écologies doivent évoluer plus ou moins en même temps pour que cette « écosophie » révolutionne la subjectivité dominante. La condition essentielle à ce changement est la « re-singularisation ». Celle-ci est décisive pour que les individus soient à la fois plus solidaires et de plus en plus différents, et là se réalisera l’autonomie créatrice vitale à la production de subjectivité humaine.

Ainsi, les ateliers du « GCO » permettent de rassembler différents acteurs autour de thématiques et d’échanger sur nos différentes représentations dans le but d’aboutir à une intercompréhension des diversités de visions et de sens qui ensemble feront sens. Comme l’explique Arthur Gélinas : « la diversité des visions et des représentations sont des projecteurs qui montrent les multiformes d’un objet pouvant aboutir à une vision collégiale de celui-ci et ainsi créer des actions et des organisations jamais envisagées ». En effet, la création du « crieur collectif », du réseau du système d ‘échanges local ainsi que le chantier d’école alternative pour 2017 sont des très bons exemples d’une re-singularisation de notre environnement local. Donc continuons notre chemin en semant nos petites graines qui ensemble créeront, je l’espère, une belle forêt résiliente et pleine de diversité….

De la part de Jérôme

« Les trois écologies » Félix Guattari Collection l’espace critique Edition Galilée 1989